La rivière à l’envers ou le rêve d’éternité

Jean-Claude Mourlevat écrit le premier tome de la duologie La rivière à l’envers en 2000 et le second en 2001. Ses œuvres seront récompensées par le prix des Incorruptibles l’année suivante, ainsi que le prix Astrid Lindgren en 2021. À travers les années, La rivière à l’envers se révèle être une véritable source d’inspiration pour les enfants et les plus grands.

Tout commence lorsque Hannah décide de quitter son village pour partir à la recherche d’une rivière mystérieuse qui serait capable de réaliser des miracles en rendant quiconque immortel. Animé d’une volonté de voir le monde et curieux de retrouver cette énigmatique Hannah, Tomek décide de laisser derrière lui son petit village natal pour commencer un long voyage. Le premier tome de cette duologie jeunesse destinée aux plus de 11 ans raconte l’histoire de Tomek qui s’engage dans un périple sur les traces de son amie Hannah. Le second tome suit le chemin parcouru par cette dernière à travers un texte adressé à Tomek.

« Quant à cette rivière Qjar, continua le vieil homme, je peux vous dire qu’elle existe bel et bien, si cela peut vous réconforter un peu. Et elle prend en effet sa source dan l’océan, seulement […] ce n’est pas de ce côté-ci de l’océan »

La rivière à l’envers est bien plus qu’un simple roman jeunesse : c’est un récit initiatique empli de rêverie et de réflexions philosophiques embellies par la plume poétique de Jean-Claude Mourlevat. Dans ce bijou de la littérature jeunesse, l’auteur mêle personnages excentriques et paysages oniriques. Effectivement, pour rejoindre la rivière qui s’écoule à l’envers, les personnages traversent forêt, mer, prairie ou encore montagne. Chaque lieu est peuplé de personnages atypiques qui ne manquent pas d’inculquer des leçons de vie à Tomek et Hannah. Durant ce voyage, les deux adolescents en apprennent énormément sur l’amour, l’amitié, le courage et la diversité des cultures qui les entourent.

Il est particulièrement intéressant de se pencher sur ce qu’évoque la rivière dans ce roman. Avant toute chose, elle symbolise le courage et la nécessité d’avancer – même quand cela s’avère difficile. Tomek n’aurait peut-être jamais eu le courage de quitter son village s’il n’avait pas rencontré Hannah et entendu parler de cette rivière magique. Cette dernière symbolise également le voyage et la diversité. Effectivement, l’eau n’a pas de frontières, elle traverse les contrées sans se soucier des différences entre les uns et les autres – à la manière des deux adolescents lorsqu’ils partent pour cette quête. Finalement, nous pourrions dire que la rivière fait référence à l’ailleurs tant recherché par Tomek.

« Une chute d’eau… reconnut-il lorsqu’il fut plus près. Seulement cette eau ne « chutait » pas. […] Il y avait ici quelque chose d’éternel. »

Aussi, si la rivière à l’envers a une place centrale dans le roman c’est également parce qu’elle constitue le premier élément fantastique évoqué dans le roman. La rivière semble alors ouvrir des possibilités, laisser la place pour que d’autres éléments fantastiques puissent imprégner l’histoire. En d’autres mots, la rivière Qjar serait la porte d’entrée du fantastique. D’ailleurs, ne peut-on pas relier cette idée d’eau qui rendrait immortel à de nombreux mythes et croyances ? On peut par exemple évoquer la mythologie grecque avec les eaux du Styx, les alchimistes du Moyen-Âge en recherche de « l’élixir de vie », … Bref, La rivière à l’envers utilise la thématique récurrente de l’eau immortelle. L’eau est très sûrement associée à l’immortalité parce que – dans un premier temps – elle est directement liée à la vie. Ce lien est réalisé depuis bien longtemps – on le retrouve notamment dans la Bible lorsqu’il est écrit « l’eau est le berceau de la vie » (Gn 2,5-6) – et est encore plus renforcé aujourd’hui grâce aux avancées scientifiques, puisque l’on sait désormais que l’eau sous sa forme liquide est un élément indispensable à la vie.

Enfin, je souhaiterais mettre en exergue la façon dont Jean-Claude Mourlevat construit son récit sur l’idée de cette rivière magique. En effet, cette rivière a deux particularités : elle permet de rendre immortel et elle s’écoule à l’envers. C’est sur ce dernier point que l’on peut s’étendre. À l’image de la rivière qui s’écoule à l’envers, l’auteur conte un récit de façon antéchronologique, c’est-à-dire de l’évènement le plus récent au plus ancien. Cela ne se voit pas au sein d’un tome mais dans la construction générale de la duologie. Ainsi les événements du tome deux se déroulent avant ceux du tome 1. Cette technique narrative ne fait que mettre en emphase l’eau vue comme un élément naturel porteur de mouvement.

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