L’expédition, un album de Stéphane Servant et d’Audrey Spiry

J’ai écumé les mers. J’ai tatoué mon corps, mes joues, mes bras d’amours et de cicatrices, de blessures et de joies. Un matin, sur le pont, j’ai serré un enfant contre mon cœur de pirate.

Découvert au détour d’un cours sur l’édition jeunesse, l’album L’expédition est un chef d’œuvre autant textuel que graphique où la mer porte le désir d’aventure et la rencontre avec l’amour – mais pas n’importe quel amour : l’amour maternel, d’une femme libre qui jamais n’avait pensé un jour croiser un enfant qu’elle chérirait. L’album, qui se rapproche d’un carnet de voyage, porte une poésie douce dans les mots de Stéphane Servant, magnifiquement illuminés par le trait d’Audrey Spiry.

Si le début du livre et son résumé laissent penser au lecteur qu’il découvrira une épopée de la piraterie, Stéphane Servant s’oriente petit à petit vers la richesse des expériences que rencontre l’héroïne au cours de sa route, en terminant par la plus grande : l’amour. L’amour des siens, de ses propres parents qui lui ont enseigné le courage et la force d’affronter les épreuves, avec le sourire. L’envie de vivre et de profiter de chaque moment que transmet l’héroïne est indescriptible : le lecteur ne peut que se laisser envahir par la poussée du vent entre les pages de l’album. L’émerveillement des illustrations n’ajoutent que plus à la force du récit, où monstres faits de vagues et paysages grandioses s’entremêlent.

Le récit, qui n’a de cesse d’encourager à la découverte, prend la forme d’un journal intime que l’héroïne semble écrire et dessiner pour garder une trace de sa route : la présence de blanc sur certaines pages renforce cette sensation de collage, à la manière qu’un enfant aura de remplir son carnet de voyage où il insérera les différents tickets de visite collectés tout au long de ses vacances, aux côtés d’objets ramassés ici et là pour compléter le tout.

Le livre aborde également des thèmes complexes tels que la richesse de la vie, le besoin de se découvrir, la force et l’amour familial – ce qu’est d’être parent mais aussi enfant – et du véritable soutien que l’un apporte à l’autre face aux adversités de la vie ; la route n’a pas toujours été facile pour elle, qui a dû se battre, être secourue mais également ouvrir son cœur pour aimer à travers différents ports ; un récit qui se concentre au final sur la force et la fragilité de l’existence. Toutefois, grâce à “la plus brillante des épées” fournie par ses parents qui n’est autre que “le courage, la force et le sourire”, elle a su faire front et cultiver une joie de vivre et un amour qu’elle peut à son tour transmettre à son enfant.

Pour conclure, cet album se trouve à la croisée des genres, entre récit d’aventure et d’amour : présentant un portrait de femme peu commun, d’une part grâce à la figure de mère célibataire qu’elle incarne, d’autre part pour la mise en avant d’une femme noire, chose assez rare dans la littérature pour être soulignée, il ne manquera pas de séduire autant les grands que les petits. Je vous laisse le plaisir de découvrir cet ouvrage grâce à la très bonne lecture qu’en fait Marilou, employée de la bibliothèque de Nivelles – même si je vous encourage à prendre le livre en main pour mieux en apprécier le dessin riche et coloré d’Audrey.

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