Le cauchemar flottant de Little Nightmares

Ou histoire d’une enfant à la dérive

_{Tarsier Studio – L’Antre Concept Art}

Quel meilleur endroit pour un huit clos qu’un manoir flottant au milieu d’un océan brumeux? Pas d’échappatoire possible, pas d’âmes qui vivent à des kilomètres, rien que le silence de la mer et de ceux qui se cachent dans les tréfonds. Ainsi la fiction transforme un lieu de voyage, de rêve et d’aventure en une prison flottante propre à l’angoisse. Une prison dans laquelle la perception même du réel est biaisée par une ambiance pesante et cloisonnée, le voyage est-il seulement physique ? Est-il psychologique ? Ou encore métaphysique ? Aussi lorsque des développeurs nous livrent une telle fiction, avec en son centre une enfant, ils nous invitent à nous interroger sur la symbolique du monde qu’ils représentent.

Tout d’abord pour le présenter brièvement, Little Nightmares est un jeu d’horreur réalisé en 2017 par Tarser Studio et publié par l’éditeur Bandai Namco. C’est un jeu de plateforme mêlant une bonne pincée de réflexion et un soupçon d’horreur. Il s’agit pour le joueur d’accompagner Six, une jeune enfant, dans son périple à travers un endroit sinistre aux dimensions gigantesques et inquiétantes…

Un rêve obscure, une salle toute aussi sombre ou l’on entend seulement la machinerie du bateau et l’eau s’échappant des tuyaux, une valise d’où sort notre personnage et qui semble faire deux fois sa taille, l’ambiance du premier tableau donne d’entrée le ton pour le reste de l’aventure. Tout comme notre protagoniste nous sommes perdus, lâchés à la merci des occupants de cet endroit sinistre sans plus d’explications, nous cherchons une échappatoire tout en laissant notre imagination remplir les grandes salles silencieuses.

_{Julie Mairesse – Antre du Héros Arstation}

Nous sommes semblables à des enfants qui imaginent le monde de leur point de vue à travers ce qui les entoure. Mais cette perception dérive ici vers une réalité davantage cauchemardesque. Le réalisme que laissent voir les développeurs au travers de certaines pièces ou dans les objets rencontrés, se trouve perverti par une aura sinistre qui entoure cette enfant de neuf ans. Non seulement la réalité représentée ici menace l’enfant, mais en plus elle l’influence et agit sur elle. C’est comme si la violence des épreuves auxquelles Six était confrontée la faisait basculer de dans une réalité plus froide et moins humaine, alors même qu’ elle est étrangère à ce lieu, à ses occupants et à l’horreur qui s’y cache.

Parallèlement, la direction artistique n’est pas sans nous rappeler les œuvres de Miyazaki, par ses couleurs et ses personnages. Elle fait appel à des designs plutôt enfantins altérés pour les rendre effrayants. On peut également faire un parallèle avec la bande dessinée La cuisine des Ogres qui reprend les mêmes codes, une enfant transportée dans un monde féerique et cauchemardesque révélant une réalité particulièrement violente non cloisonnée au conte.

Cabonara Artblock – Little Nighmares Arstation

Pour conclure, Little Nightmares met en scène une enfant à la dérive dans une réalité cauchemardesque, perdue sur des rivages inhospitaliers. La fiction conjugue des thèmes généralement opposés comme l’enfance et la mort, pour nous déranger tout en nous faisant vivre une expérience frissonnante. Ainsi l’horreur ne se limite pas à ce qui se passe à l’écran, elle s’infuse aussi dans la réalisation de ce qu’elle implique.

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