Yusra Mardini, athlète syrienne que l’eau n’arrête pas

Le sport ne nous a pas seulement sauvé la vie. Le sport m’a appris à travailler sans relâche pour atteindre mes objectifs, à être patiente, à être résiliente. C’est ainsi que nous avons été élevées : ne jamais abandonner, toujours donner le meilleur de soi-même.

Yusra Mardini

Le public découvre Yusra Mardini lors de sa première participation aux Jeux Olympiques de Rio en 2016, où elle concourt dans l’équipe des réfugiés, alors créée pour la première fois cette même année par le Comité International Olympique (CIO).

Jeune syrienne âgée de 13 ans lorsque la guerre éclate dans son pays en 2011, elle rêve d’intégrer l’équipe olympique de Syrie. Seulement, avec le début du conflit et le danger de plus en plus présent, ses parents la convainquent de fuir vers l’Europe, en compagnie de sa grande sœur Sara. Il faut le faire vite, Yusra a 17 ans, bientôt 18, et doit arriver en Allemagne avant sa majorité pour pouvoir demander un regroupement familial afin que sa petite sœur et ses parents puissent les retrouver.

Ainsi, les deux sœurs gagnent d’abord la Turquie en avion, avant de prendre un bus pour rejoindre les côtes, avec pour objectif d’atteindre la Grèce après la traversée à bord d’un canot pneumatique dans la mer Égée. Le bateau, surchargé, tombe en panne durant la nuit et commence à prendre l’eau. Parmi la vingtaine de passagers, seuls Yusra, Sara et un autre réfugié savent nager. Les deux sœurs se jettent à l’eau et commencent à tirer et pousser l’embarcation pendant plus de trois heures dans l’eau froide. Elles parviennent toutefois à atteindre les plages grecques, mais leur périple est loin d’être terminé. Affamées et déshydratées, elles doivent continuer à avancer. Elles prennent bus, train, traversent ainsi la Macédoine, la Serbie, la Hongrie puis l’Autriche avant d’atteindre l’Allemagne. Sur leur route, elles font face à l’insécurité et aux violences sexuelles mais continuent de progresser. Elles atteignent enfin Berlin, où elles gagnent un camp de réfugiés et ont accès à un titre de séjour.

Grâce à son entêtement, Yusra parvient à rejoindre le Wasserfreunde Spandau 04, une école de natation qui forme des sportifs d’élites. Elle rencontre Sven Spannenkrebs, qui l’entraîne pour les JO de Rio, où elle parvient à se qualifier. Bien qu’elle n’obtienne que la quarantième place au 100m papillon, son histoire est mondialement relayée dans les médias et émeut à l’international, au point que Barack Obama, alors président des États-Unis, dira, après la lecture de son roman autobiographique, qu’elle est un “incroyable exemple pour la jeunesse du monde entier” (couverture de Butterfly, chez Pocket Jeunesse, 2019). L’athlète participe à nouveau aux Jeux Olympiques de Tokyo, où elle décroche la trente-troisième place sur la même épreuve.

Si depuis ses dernières apparitions aux Jeux Olympiques, Yusra se fait plus discrète sur la scène sportive, elle n’en reste pas moins très engagée : elle devient la plus jeune ambassadrice de bonne volonté du Haut-Commissariat des Nations Unies en 2017 pour les réfugiés, qu’elle souhaite aider et faire porter leurs voix.

Ça me permet aussi d’envoyer un message d’espoir aux personnes réfugiées. Vivre des choses difficiles et traumatiques – comme le sont la plupart de nos vécus parsemés de violents départs – ne doit pas nous empêcher d’aller de l’avant et de rêver à un avenir meilleur, avec toute l’aide et le soutien que cela implique bien entendu. Et je veux apporter mon soutien à ces personnes.

Yusra Mardini, interview pour le magazine Vogue, mené par Marthe Mabille, 2023

En 2019, la jeune syrienne rédige avec sa sœur son roman autobiographique : très descriptif, le livre retrace sa vie en Syrie puis sa fuite jusqu’à ses premiers pas aux Jeux Olympiques de Rio. Le livre, bien que parfois difficile à lire à cause des évènements qu’il décrit, est très inspirant : le lecteur découvre les émotions et le courage de Yusra avec ses mots. En 2022, le récit est adapté par Netflix et le studio de production Working Title Films, avec Sally El Hosaini à la réalisation, sous le titre The Swimmers. Le film obtient la note de 4,1/5 sur le site AlloCiné et la critique est positive.

De mon point de vue tout à fait subjectif et personnel, j’ai préféré le film au roman, car celui-ci possède parfois quelques longueurs et les émotions que peut provoquer l’histoire des Mardini m’ont parfois parues être étouffées dans la description – que je trouvais trop détaillée concernant certains éléments. Le film a su conserver l’histoire touchante et incroyable de courage des deux sœurs, me menant plusieurs fois à verser des larmes. Les acteurs sont très bons, le mélange linguistique d’arabe, d’anglais et d’allemand permet de mettre en lumière les difficultés de se faire à un nouvel environnement, et le quotidien des jeunes réfugiés, autant en Syrie qu’une fois parvenus en Allemagne, est saisissant. Le film m’a permis de me confronter à la réalité de l’émigration et à la détresse des réfugiés, encore trop déshumanisés dans les médias.

J’aimerais ajouter à ce sujet que Sara Mardini, qui a fait du sauvetage en mer et de l’aide aux réfugiés sa principale mission, est actuellement dans l’attente de son procès. Elle a été arrêté en 2018 en Grèce et encourt jusqu’à 25 ans de prison. Le procès est extrêmement controversé, d’une part à cause des charges retenues (entre autre, trafic humain, blanchiment d’argent, espionnage, ainsi que son appartenance supposée à une organisation criminelle) et d’autre part parce que Sara Mardini a l’interdiction d’entrer en territoire grec et voit son procès se faire à distance.

Sources

• Cabot, C. (2023, 11 janvier). Sarah Mardini, une héroïne syrienne sur les bancs de la justice grecque. France 24
• Comité International Olympique. (s. d.). Yusra Mardini. Olympics.com. Consulté le 19 octobre 2024.
• El Hosaini, S. (Réalisateur). (2022). The Swimmers. Working Title Films.
• Le parcours inspirant de la nageuse réfugiée Yusra Mardini à l’honneur du long métrage Les Nageuses. (2022, 12 septembre).
• Mabille, M. (2023, 26 mai). Rencontre avec Yusra Mardini, réfugiée syrienne et nageuse olympique dont l’incroyable histoire a inspiré un film Netflix. Vogue France.
• Mardini, Y. (2019). Butterfly. Pocket Jeunesse.
• Yusra Mardini. (2024, 10 avril). ISPO.com.

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