Chavirer avec La Vie en Turquoise d’Elise Giraudau

La Vie en Turquoise d’Elise Giraudau est une autobiographie romancée à deux voix : celle de Louise et celle d’Ellie. L’une et l’autre nous racontent le cancer des ovaires de Louise, la douleur mais aussi l’amour d’une famille… 

Quel est le rapport de ce roman avec la mer, avec “Rives, dérives” ? Patience chers lecteurs, laissez-moi le temps de vous guider au bord de l’eau… 

Louise a vingt-et-un ans lorsque débute le récit. Sa personnalité solaire éclaire les premières pages comme le soleil en été. Elle a des projets plein la tête : elle participe au concours Miss France, fait des études dans l’optique de travailler avec les enfants, en avoir aussi plus tard avec son petit-ami Thibault. 

Ellie a vingt-six ans, et est plus discrète que sa sœur. Si elle vit et travaille à Paris, son cœur est à Bordeaux et dans le bassin d’Arcachon où elle vient retrouver sa famille. Elle est très dévouée, protectrice et prend beaucoup sur elle pour que tout aille bien. 

Au bord de l’eau, on entend leurs rires, on voit éclater leur si belle complicité, malgré leurs différences… Et page après page, chacune laisse une trace de son regard sur l’autre. 

“On vient de terminer une séance d’initiation au surf ensemble, sur la plage de Biscarosse, et, après s’être rincées aux douches pour enlever le sel, on improvise une séance photo.”
La Vie en Turquoise, page 21, Ellie.

Un post Instagram de Louise où les deux sœurs sont ensemble à la plage

“Nous ; complices, sans tabou, et avec de l’amour à donner l’une à l’autre. Beaucoup d’amour.”
La Vie en Turquoise, page 23.

La maladie, des vagues turquoise

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Tout bascule quand Louise est diagnostiquée d’un cancer des ovaires, cancer rare, connu pour se développer lentement. Et pourtant, il se développe à toute vitesse. Louise rentre dans les eaux turquoise, couleur dédiée au ruban du cancer des ovaires et couleur de la mer…

Il y a l’éclatement des vagues, et puis leur reflux, où l’on espère, où l’on veut croire que l’eau ne reviendra pas ou ne reviendra pas aussi forte. Que la mer s’apaisera. Comme la douleur. 

Et à chaque vague s’écrasant contre ses remparts, Louise démontre toute sa force, toute sa volonté de vivre se déployer. Pour elle et pour ses rêves. C’est une battante, au caractère de feu, qui semble n’avoir peur de rien.

Elle traverse cette maladie comme on traverse les vagues que l’on rencontre, jusqu’à ce que l’on soit entièrement immergé. Il y en a d’immenses, dans lesquelles elle bat des pieds à contre-courant pour ne pas être emportée, comme ses premiers traitements ou ses rechutes. D’autres vagues à l’inverse, la portent doucement, comme Brona, la chienne qu’elle a adoptée, au nom signifiant Gloire, ou encore les moments avec Thibault quand il la rejoint après avoir appris pour sa maladie. 

Une des plus grandes forces de Louise a été sa résilience. Sa capacité à toujours décider elle-même de son existence. A savoir qui nagerait à ses côtés. Et à renoncer à ceux qui refusaient de comprendre. A vivre d’abord pour elle, envers et contre tout. 

“Moi, je nage en eaux troubles, et notre vie est turquoise.
Vous savez quoi ? Je ne suis même pas la seule.
Fermez-la. Merci.”
Pour Elise, Louise c’était Unstoppable de Sia. Une guerrière fière.

La Vie en Turquoise, page 421, Louise

Les vagues de la maladie ont des répercussions sur les autres. Des répercussions invisibles et invisibilisées, que l’on ignore parfois consciemment. 

Ellie vit par procuration la maladie de sa sœur, parce qu’elle va “bien”, alors que Louise est malade. Elle est présente à chaque instant pour elle. Elle met toute sa vie sur pause pour elle. Elle est ce qu’on appelle une “aidante” : elle sacrifie de son temps et de son énergie pour accompagner un être cher au fil des traitements. 

Le regard d’Ellie comme de Louise met à jour l’absence de considérations de la maladie et des personnes présentes au quotidien auprès des malades.

Face à la maladie, il n’y a jamais qu’une personne touchée, mais bien toute une famille. La famille de sang, et la famille que l’on choisit. L’une se confondant parfois avec l’autre. 

Bien souvent, nos parents sont des piliers avec lesquels non seulement nous grandissons, mais par rapport auxquels nous nous construisons. Ils nous rendent plus forts face aux épreuves. Ce qui ne peut empêcher que nos épreuves les ébranlent aussi. 

C’est ce que montre La Vie en Turquoise : une famille qui tente de se protéger de la tempête qui va emporter l’une des leurs. Chacun réagit différemment au sentiment de noyade provoqué par la maladie que ce soit, pour la personne malade, par peur de mourir ou, pour l’entourage, par peur de perdre un être cher. Pour Ellie, la maladie la force à s’oublier pour sa sœur. Elle a l’impression qu’elle n’a plus le droit à rien puisque Louise ne l’a plus. Pour le papa des deux jeunes femmes, ce sera d’ignorer la maladie, parce que c’est trop dur d’accepter qu’elle touche son enfant, qu’elle puisse l’emporter avant soi. Pour la maman, à l’inverse, c’est de ne pas espérer, en prévention du deuil forcé si les traitements ne marchent pas.

Mais malgré tout, cette famille est comme une île au cœur du cyclone. Pleine d’amour. Unie contre vents et marées. Une île qui résiste aux vagues. Une île pas prête d’être engloutie.

La Vie en Turquoise, c’est…

La mer du bassin d’Arcachon dans laquelle vont se baigner Ellie et Louise. 

La tempête de la maladie, ses flux et ses reflux, qui nous surprennent et nous submergent. 

L’île que constitue la famille nucléaire d’Ellie et Louise. 

L sentiment de se noyer parce que tout est simplement trop et que l’on ne parvient plus à faire face aux assauts de la vie, aux espoirs suivies de désillusions, puis d’une chute insupportable.