Une soirée au cœur des abysses
Le jeudi 28 novembre une soirée singulière autour de la mer s’est déroulée au Tambour. Elle a débuté par une déambulation de 12 étudiants performant dans l’obscurité « La Danse des poissons lanternes » sur une idée de Juliette Thomas. Cette lecture à plusieurs voix de différents extraits choisis sur le thème de la mer nous inscrit dans une atmosphère intime et chaleureuse.
Les spectateurs attentifs écoutent ces récits, retrouvent le plaisir de se laisser porter par des voix nous entrainant dans une immersion submersive au fond des océans comme dans un monde parallèle car encore si inaccessible et méconnu. Bercée au son des voix, ce moment me plonge dans des souvenirs d’enfance où l’histoire du soir lue par ma mère était primordiale pour m’endormir et sombrer dans un monde de rêves.
Les paroles glissent sur nous et nous ouvrent à un imaginaire marin. Les paroles, douces et enveloppantes, portent les spectateurs dans un état de quiétude, d’apaisement, certains yeux se ferment pour vivre un moment plus intérieur d’écoute, avec la sensation d’être sous l’eau, coupés des bruits du monde quotidien.
La soirée s’est poursuivie avec la projection du documentaire « Habiter le seuil » de l’artiste danseuse Marine Chesnais qui part en quête d’une rencontre avec les baleines à bosse de l’ile de la Réunion pour nourrir son propos chorégraphique.

Les images de cette rencontre entre la fragile danseuse et les énormes mammifères marins provoquent chez le spectateur d’intenses émotions, à la fois subjugués par la beauté des images, mais aussi inquiets face aux risques potentiels.
L’important est de comprendre que ces animaux mythiques sont dans leur environnement et les approcher ne dépendra pas du désir personnel du plongeur, mais bien d’une approche progressive de leur habitat, permettant de détecter leur présence, de s’apprivoiser l’un et l’autre à distance pour parvenir à la rencontre.
Ce film témoigne également du travail physique colossal que cette exploration lui a demandé : un apprentissage de la gravité, et de l’apnée tout en gérant la crainte de l’animal et des fonds marins. Le corps s’adapte à son environnement, ce contact avec la mer entraine des répercussions sur celui-ci et sur la vitesse d’exécution des mouvements. Il y a quelque chose d’infiniment doux et sensuel qui se dégage des mouvements dans l’eau.
Dans un deuxième temps, l’objectif de la chorégraphe est de retrouver l’état de corps, les sensations éprouvées dans l’eau pour pouvoir les reproduire dans sa gestuelle terrestre, qui oblige le corps à trouver d’autres solutions pour se mouvoir en ayant une plus grande perception des sens, la matière, fluide, liquide qui coule l’entoure.
Cette recherche minutieuse est un travail qui me fait penser à la pratique de la somatique et plus particulièrement de la méthode Feldenkrais, qui cherche par l’infime, à bousculer notre vision de notre corps et de trouver d’autres chemins pour avoir une palette plus grande de sensations.
Ce documentaire va au-delà de la simple rencontre avec les baleines : il explore l’idée de vulnérabilité, tant chez les animaux que chez l’humain. Cette quête délicate interroge notre relation à l’autre, notre manière de faire collectif et de vivre ensemble, qu’il soit humain ou animal, et remet en question les rapports de domination traditionnels. Marine Chesnais évoque l’importance de revenir à une forme de communion avec la nature, à une reconnexion essentielle dans un monde de plus en plus déconnecté de son environnement.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
linapinatel (15 janvier 2025). Une soirée au cœur des abysses. Festival Transversales. Consulté le 20 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/1339g